mercredi 18 mars 2009

Le langage secret des chauffeurs

Les professionnels de la route utilisent souvent un émetteur radio pour communiquer entre eux. Régulièrement sur les ondes, on peut nous entendre faire des commentaires plus ou moins pertinents: "Roger mon crotté, t'as laissé des taches de café sur mon dash." Mais aussi, partager de l'information utile: "Décarie sud à éviter, gros accident"
Il est entendu dans le milieu, que l'expression "opération policière" est à proscrire. Celui qui l'utilise s'expose apparemment à des poursuites. C'est pourquoi nous parlons plutôt de séchoir à cheveux car sa forme évoque grandement celle du fameux radar. Le chauffeur qui cherche à mettre un peu de piquant dans son quotidien utilisera des variantes telles que: Opération bigoudis sur L'Acadie, Mise en plie sur Pie XV ou enfin ma préférée: Brushing sur St-Michel.

le deuil

Je m'en suis lamenté à pas mal d'entre vous déjà mais je vais le répéter pour exorciser: J'ai perdu mes enfants. En fait on m'a enlevé le circuit que je faisait depuis 4 mois. En ma qualité de chauffeuse suppléante, je n'avais pas le choix. Maintenant, je me sens un petit peu en deuil. Il me manque ces mal polis. J'avais des écoles d'accueil dans un quartier qui se classe parmi les plus pauvres du Canada: Parc Extension. Ce qui m'a frappé le plus cependant ce n'est pas la pauvreté, ce sont les différences culturelles et l'importance de la religion pour ses enfants. Le nombre de fois ou je me suis fait demander: " madame, à quelle Mosquée tu vas toi ? " Je leur ai expliqué que j'étais athée. La plupart d'entre eux (ils ont entre 8 et 11 ans) ne savaient pas ce que c'était. Ils ont continué de bien m'aimer quand même. Maintenant, il me faudra m'habituer à d'autres visages et jamais les mêmes à chaque jour car je remplace n'importe quel chauffeur qui s'absente. Ça va faire bizarre.

mardi 3 mars 2009

La quête

C'était après une tempête et ma voiture s'étant enlisée, j'avais utilisé de bons vieux "traction-aids" (si quelqu'un connais le mot français, faites moi signe) pour me sortir du banc de neige. Ça a fonctionné mais comme cela arrive souvent, j'en ai perdu un des deux dans la neige. Je l'ai cherché un bon bout de temps et m'apprêtais à abandonner quand mon voisin m'a interpelé:
- Tu devrais utiliser un détecteur de métal.
- Peut-être, mais on en trouve pas à chaque coin de rue.
- Sam vient d'en avoir un pour Noël.
Sam est un incroyable petit garçon de six ans qui habite en bas de chez moi. Je ne connais aucun autre enfant qui aurait demandé ça pour Noël. Sam est venu me rejoindre sur mon banc de neige avec son instrument magique. Après 5 minutes de recherche fébrile, un BIP-BIP glorieux s'est fait entendre. J'aurais presque souhaité l'avoir mieux enseveli.

lundi 2 mars 2009

Une question de couleur

Les enfants que je transporte dans mon bus jaune sont pour la plupart, de nouveaux arrivants en apprentissage du français. Petits algériens, pakistanais, sri-lankais. Pour eux, c'est un peu moi l'étrangère même s'ils me font de jolis dessins. L'autre jour une petite avec de beaux grands yeux noirs me demande:
-Est-ce que tu vois quand même madame avec tes yeux gris ?
-Heu, hum. Ben, ils sont pas GRIS d'abord, ils sont BLEUS. Mais oui, je vois bien. Assez bien pour conduire l'autobus en tout cas.
Non satisfaite elle me lance:
- Tu vas aller à l'hôpital bientôt pour les changer ?